28/08/2014Le social se corrompt

Mohamed, chargé d’insertion dans le secteur jeunesse, qui sillonne les quartiers « politique de la ville » depuis près de 7 ans…

Il est fantastique de voir à quel point le social se transforme et je dirais même se corrompt face au pouvoir et à l’injonction de l’argent. Nous dépendons de ce papier ou de ce métal qui ne coûte rien à produire, mais qui a besoin de lui-même pour se reproduire, car sans argent point d’argent.

Le social se corrompt car lorsque les financements abondent, les obligations de résultats augmentent. A-t-on besoin de nous dire qu’il faut absolument insérer le maximum de personnes ? C’est l’essence même de notre travail… Si ce n’est pas fait ? On baisse la subvention car vous n’êtes pas efficace… On s’occupe des gens, nous savons que nous devons les accompagner dans la réussite de leurs projets mais a-t-on besoin de nous mettre la pression ?

Le social se corrompt car il transforme les structures d’insertion en des machines à produire du chiffre. La multiplication des programmes d’insertion entraîne celle des problématiques administratives. Chaque individu doit être inscrit dans un programme ; même s’il n’y pige rien, il doit l’être !… Les notions d’objectifs, d’efficience, de ratio, de résultats, remplacent celles d’accompagnement, de parcours, d’evolution et de socialisation.

Pour ma part, je pense que « le social » est régi par un simple relation : le chômage (ou la misère) des uns permet de financer le travail des autres. La marché de l’emploi est devenu un véritable marché pour les opérateurs privés qui se partagent le gâteau de l’emploi, on voit alors la disparition du service public de l’emploi au nom de l’innovation et de la modernisation de ce service, car il faut faire vite, il faut évoluer vers le 2.0, vers la 4G, vers la fibre (non sociale), et l’expression « le temps c’est de l’argent » prend tout son sens… Et dans le social le temps est une donnée non maîtrisable et non quantifiable. Heureusement que nous restons conscients de cet état de fait et que le public dans sa majorité est un public courageux, qui a des idées, même si, pour mon public, l’Education nationale ne l’a pas toujours bien écouté… Mais ceci fera peut être l’objet d’un autre billet…