22/09/2015Le social a besoin de professionnels compétents !

Pour Alban Fournier de Tours, le social va mal...

Je travaille depuis près de vingt ans dans la sphère socio-éducative et je ne  peux qu’en regretter évolution. En effet, si un éducateur spécialisé devenait chef de service, puis directeur d’établissement, force est de constater que ce cheminement n’est plus.
 Nous voyons arriver des cadres et cadres intermédiaires sans expérience ni du terrain, ni des personnes reçues. Les décisions qui sont prises ne sont pas forcément en conformité avec l’intérêt des usagers que nous accompagnons. Faute de connaissance du monde du handicap.
Les salariés, quant à eux, ne sont plus que des variables d’ajustement en fonction des besoins et les cadres des gestionnaires en management sans réelle connaissance des métiers qu’ils sont censés encadrer.

De plus, par ricochet, cette absence de cadre cohérent génère des tensions d’équipes… faute de capitaine reconnu, non pas du fait de son pouvoir hiérarchique, mais de ses compétences.
Je reste persuadé que seul celui qui a la compétence fait autorité. Poursuivant dans cette analyse, j’ai le souvenir d’un ancien article d’une revue spécialisée dans le social où il était évoqué que de plus en plus de personnes en difficulté se dirigeaient vers le travail social… par défaut, alertant sur ce phénomène qui n’a fait que perdurer.
Question pertinente lorsque l’on voit les problèmes qui existent entre les membres d’une même équipe, d’aucuns en arrivant à penser qu’il est plus facile d’accompagner les résidents que de supporter certains collègues.
 Oui, le domaine social a besoin d’une réflexion et d’un recadrage… qui permettraient à chacun de retrouver sa juste place en fonction de sa formation et surtout de ses compétences.
Les procédures de validation des acquis de l’expérience (VAE) n’ont fait aussi qu’amenuiser la qualité de l’accompagnement et ont donné des responsabilités à des personnes qui n’en n’avaient pas nécessairement les compétences ; une VAE d’éducateur spécialisé obtenue en quelques mois ne pouvant remplacer trois ans de formation.
Qu’on ne s’étonne donc pas de l’épuisement de certains professionnels aguerris,
« débarqués » à l’aune de la rentabilité des moyens, voire déconsidérés au profit de jeunes professionnels, qui ont pour avantage de ne pas remettre en cause la parole de cadres inexpérimentés.

 

2 réflexions au sujet de « Le social a besoin de professionnels compétents ! »

  1. Francis LETELLIER

    Si je comprends bien votre situation actuelle : vos chefs ne sont pas compétents, les équipes sont divisées… à cause de l’incompétence des cadres ; ceux de vos collègues diplômés par la VAE ne sont pas compétents, et vos jeunes collègues sont muets… par crainte de l’encadrement, ou par manque d’assurance. Quel isolement ! Et si j’ai bien calculé, vous n’êtes qu’à la moitié (20 ans) de votre vie professionnelle…
    Essayons d’élargir le regard :
    – Etait-ce vraiment mieux « avant », quand le pourcentage de faisant-fonction et de non-diplômés était élevé ?
    – « Avant », nombre de ces « faisant-fonction » cherchaient tout simplement un travail, au même titre que des étudiants actuels
    – Le secteur s’ouvre à des personnes (cadres et non-cadres) qui viennent de leur plein gré, après VAE et ou formation, vers une activité sociale ou médicosociale, pour y trouver du sens.
    Quand vous mettez en cause la compétence des cadres au regard des décisions qu’ils prennent, au fond vous exprimez votre désaccord sur les décisions qu’ils prennent. Il y a mille et une raisons pour être en désaccord avec une décision: les valeurs et priorités sur lesquelles se fonde cette décision, la vision du « bien de l’usager », mais aussi de l’institution. Sans parler du processus préalable d’élaboration, de communication et de mise en œuvre de ladite décision. Bref ce n’est pas qu’une histoire de compétences !
    Et si vous êtes en désaccord avec les décisions ou les pratiques (professionnelles ou relationnelles) de vos collègues, après 20 ans de travail social, vous avez certainement l’expérience et le savoir-faire pour aborder ces différends de façon directe et néanmoins constructive.
    Et si vraiment « seul celui qui a la compétence fait autorité », et que vous avez, par votre formation et votre expérience, la compétence, alors vous avez une carte à jouer pour ouvrir le cercle dans lequel vous semblez perdre le sens qui vous motivait.
    Mais, vous le savez ( cf vos cours de psychosociologie d’il y a 20 ans), l’autorité n’est pas qu’une affaire de compétence… Une question à creuser peut-être lors d’une future formation… de cadre ? Une façon (parmi beaucoup d’autres) de donner un sens aux 20 prochaines années…
    Bien cordialement
    Francis LETELLIER

  2. Daboudet Elodie

    Cela fait plus de 3 ans que j’exerce dans le domaine. Autant dire que je suis au tout début de ma « carrière ». Et pourtant, après avoir passé 3 ans en foyer de vie, j’ai fait le même constat. Une équipe de 12 professionnels dirigés par un chef de service recruté 6 mois avant moi et n’ayant aucune formation valable dans le domaine médico-social. Petit à petit, son manque de connaissance du public, des notions de gestion d’une équipe et de prises de position a fait défaut. Le plus flagrant étant son ignorance du terrain. Minimisant le quotidien du public accueilli et notre investissement. Un an après son embauche, il commence une formation CAFERUIS. Je suis tout à fait d’accord sur la notion de « gestionnaires en management », car cela a vraiment été mon ressenti.
    Au fil du temps, j’ai observé une lassitude et un acharnement au travail (afin de rattraper nombres d’erreurs de la direction) de certains membres de mon équipe et enfin beaucoup de départs de salariés. Ces mêmes salariés remplacés par des personnes ayant un master de musique ou encore une formation en maintenance de piscine, répertoriées sur leur fiche de paie comme « Animateurs 1re catégorie ». Qui forme ces personnes ? L’équipe au quotidien, sur le terrain.
    En 3 ans, nous avons subi cette incompétence en plus de notre propre travail d’accompagnant, devant même parfois nous excuser auprès des familles des dysfonctionnements.
    J’ai quitté cet établissement en partie pour toutes ses raisons, mais c’est difficile pour moi de laisser derrière des collègues épuisés. J’ai un peu sauvé ma peau. Je suis en début de carrière et j’ai déjà connu l’épuisement professionnel…
    Ce constat est d’autant plus difficile qu’aujourd’hui mes candidatures sont refusées, car mon diplôme est inconnu dans le secteur du handicap. Je suis technicienne de l’intervention sociale et familiale et je dois débuter une VAE ME (donc de même niveau) pour rendre mes 3 ans d’expérience auprès de personnes handicapées valables ! (donc je pense que dans certains cas la VAE peut être utile).

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